A voir d’urgence, Laurence Bibot en chair et en os ce jeudi à Uccle

Paris Match – Emmanuelle Jowa

L’immense Bibot fait des ravages en offrant son visage, sa gestuelle, son articulation hors pair à des archives de la Sonuma triées sur le volet. Drôle à pleurer. Il faut la voir en live commenter ces prestations. Elle est au Centre culturel d’Uccle ce jeudi 16 mai. S’y précipiter !

 

Laurence Bibot présente sur la scène du Centre culturel d’Uccle (CCU) son playback historique qui fait un malheur. Un enchaînement de clips de son cru, dans lesquels elle incarne (visage, gestuelle) des personnages choisis dans des archives télévisées de la Sonuma. Des morceaux de choix, littéralement parlant, dont seul le son nous parvient tandis que l’immense Bibot devient le personnage central, parle dans un décor de son cru, composé avec des accessoires choisis de ses blanches mains. Des extraits sélectionnés avec soin sur des critères divers, nous y reviendrons dans un prochain papier. La personnalité – femme anonyme, célébrité historique, culturelle… – prime, domine. Une fois le passage choisi, elle se met en quête d’accessoires. Laurence, cette reine de la parodie, diffuse depuis un bon moment ses performances sur Instagram. Avec un succès qui enfle à vue d’oeil. Et des aficionados de beau gabarit.

 

Les fans se faisant plus pressants (elle est suivie de près, entre autres, par une série de personnalités de poids), elle s’est donc lancée sur scène, donnant un autre relief à ses prestations filmées. Le happening audio-visuel s’enrichit ici de commentaires libres, d’anecdotes sur la façon dont elle a préparé la séquence, les difficultés rencontrées (ah, cette perruque censée reproduire au plus près la coiffure de Fabi(ola), confiait-elle par ailleurs), les réactions reçues etc. Les groupies de la première heure, dont nous sommes, se pourlèchent les babines. Les autres aussi. Car la Bibot touch est intemporelle, elle transcende les générations, son caractère hyper imagé la rend aussi internationale, voire, osons le dire, universelle.

 

Reprenons, pour l’exemple, cette séquence où Bibot incarne la reine Fabiola, chapeau sur la permanente/slightly bouffant, baisser la tête pudiquement, opiner du chef d’un air tendu, clore les paupières sous une inspiration que l’on imagine divine. Commentaire de fond sur une cérémonie officielle. Point d’orgue de la performance, ce moment délicieux où la voix off des archives (Sonuma donc) évoque un regard de connivence entre Fabiola et le roi (Albert).

 

Bibot, qui incarne la « reine blanche », naturellement n’en montre rien, se fendant plutôt d’une mimique un rien bougonne ou contrariée, contredisant avec bonhomie cette voix off emphatique. S’inspirant des relatifs moments d’humeur maussade de la veuve de Baudouin, qui demeure pour l’éternité une sacrée source d’inspiration, elle rend prosaïques les commentaires les plus édulcorés.

 

Autre incarnation récente, parmi la production foisonnante de Laurence, celle d’une enseignante dans une école d’art, ou de stylisme, qui explique en articulant largement ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire en termes de coiffure selon la forme du visage. Laurence Bibot dessine un bas de visage en forme de poire et ébauche à gros traits une coiffure façon ananas en expliquant, en substance, pour quoi c’est un « no no » en termes esthétiques. C’est ce sens du détail qui tue, cette propension à peser ses mots et les surcoter , de même que ce talent à se fondre dans des accents qui fait de Bibot une maîtresse incontestée du genre.

 

La force de ces « impersonations » ou incarnations, réside précisément dans l’absence de ton. La voix qui n’est pas la sienne se fond derrière l’image et ce sont les mouvements et expressions de son visage souple, caoutchouteux, voire parfois volontairement tordu, qui accrochent ce public qui va crescendo.

 

Laurence Bibot est, on le dira jamais assez, une championne de l’imitation, elle capte en un éclair les points qui prêtent à un rire franc, décalé souvent, mordant à ses heures, toujours décalé – là, on cherche un meilleur terme, mais l’idée y est : le quatrième ou cinquième degré proposé offre une belle contre-plongée sur le contexte, la toile de vie de ses personnages. Et, plus largement, sur la société.

 

Avec des limites, instinctives : la moquerie n’est que rarement cruelle. Et puis le filtrage se fait naturellement à travers le temps. Par définition, les archives de la Sonuma sont précisément cela : des archives. Représentent donc des séquences qui ont déjà vécu.

 

Avec un regard précis, portant sur l’un ou l’autre détail rare, Laurence met en relief quelques archétypes féminins : nymphette, ménagère, coiffeuse, profil arty, exalté, enseignante, mère courage… Elle incarne aussi quelques noms connus – de Sœur Sourire à Juliette Gréco, en passant par Barbara. De la bimbo sans âge à perruque peroxydée à la mère patronnesse autoritaire en passant par des témoignages à cœur ouvert et autres interventions captées en micro-trottoirs,

 

La comédienne et autrice épingle la faille, le comique inouï de certaines séquences, mettant en perspective parfois les erreurs de fabrication de ces bouts de film. En d’autres termes, elle se rit de l’objet, du sujet, du moyen utilisé – cameramen, micro de journaliste – de l’émission plus large dans lequel la séquence s’inscrit, du contexte sociétal aussi, on l’a dit.

 

Elle dénonce, du moins souligne, en un geste, un regard, à travers une mèche, un bijou choisi, un fait de société, un cliché bien senti, un découpage raté, un regard bovin, qu’il émane de la personne qui s’exprime ou de son interlocuteur.

 

Laurence Bibot éclaire ainsi la place de la femme face aux caméras, aux médias, et cette mission pétrie de clichés qui lui fut dévolue pendant des lustres et davantage.

 

Son allure haut perchée, sa classe naturelle lui donnent une assurance crasse. Qui peut, selon les personnages, osciller entre arrogance assumée et troublante humilité. Entre les deux, la palette de Miss Bibot est large et s’affine avec le temps, prend de la substance. La robe est riche, l’ensemble fond sur le palais.

 

C’est, rappelle le CCU (Centre Culturel d’Uccle), un spectacle-playback, « une forme en chair et en son à partager avec le public, en toute confidentialité ».

 

Bref, un seul mot d’ordre : réserver, si ce n’est déjà fait, son billet pour le spectacle au Centre culturel d’Uccle. D’autres dates en septembre. Nous suivrons cela de près.