« Ramsès II » de Sébastien Thiéry. Une absence mystérieuse.
“Jean et Elisabeth s’apprêtent à recevoir leur fille et son mari dans leur maison de campagne. Bénédicte et Matthieu qui rentrent d’un voyage en Egypte sont donc attendus pour le déjeuner… Mais le mari arrive seul. Pourquoi sa femme n’est-elle pas avec lui ? Matthieu, au comportement très étrange, est incapable d’expliquer l’absence de sa femme. Où est Bénédicte ? Qu’a-t-il à cacher ? Pourquoi cette famille, qui semblait aussi indestructible que la pyramide de Kheops, s’effondre-t-elle brutalement ? Les grandes constructions, aussi solides soient-elles, gardent quelques fois leur part de mystère…”
Déroutant et unique, passé maître dans l’art de la rupture de ton, l’auteur de “L’Origine du Monde” et de “Momo” aime faire sauter les digues, celles de la raison et des histoires courues d’avance. Avec « Ramsès II », il convoque à nouveau avec un plaisir non dissimulé tous ses vieux démons, laissant le spectateur dans un malaise jouissif. Dans le monde du facétieux Sébastien Thiéry, on sait souvent comment les répliques commencent, mais on ne sait que rarement si elles finiront en un grand éclat de rire ou un effroi glaçant. Il se sert de la folie, non pas pour elle-même mais pour les réactions qu’elle peut engendrer, tout en gardant le plus important à l’esprit : faire rire ! De la comédie la plus folle au thriller le plus déroutant, Ramsès II surprend du début à la fin.
Ce devait être un paisible déjeuner de famille, comme nombre de parents aiment à recevoir chez eux leurs enfants et beaux-enfants. Ce devait, car, pour Jean (Daniel Hanssens) et Elisabeth (Marie-Hélène Remacle), les événements vont prendre une tournure étrange, inquiétante puis carrément glaçante.
Leur fille, Bénédicte (Inès Dubuisson), et Matthieu (Clément Manuel), son mari, viennent de rentrer d’un séjour en Égypte. Ils sont attendus dans la maison de campagne de Jean et Elisabeth. Matthieu arrive en premier, seul. Il a ramené un petit souvenir à son beau-père : la réplique d’un masque mortuaire découvert dans la tombe de Ramsès II. “Bénédicte n’est pas là ?”, s’enquiert Elisabeth. “Elle arrive”, lui répond mollement Matthieu. Le temps passe, mais toujours pas de Bénédicte. Ses parents commencent à s’inquiéter, d’autant que les explications de leur beau-fils sont pour le moins évasives voire farfelues. Chez Jean, l’angoisse et la colère montent. “Pourquoi y a -t-il une pelle dans ta voiture ?”, l’interroge Elisabeth, folle d’inquiétude. Qu’est-il donc arrivé à Bénédicte ?
Du rire à l’effroi
Soupçons, mensonges, illusions, petites phrases assassines, coups d’éclat…, pour son dernier spectacle de la saison, la Comédie de Bruxelles a porté son choix sur une pièce tout aussi amusante que follement déroutante : Ramsès II de Sébastien Thiéry.
Et le moins que l’on puisse écrire, c’est que Daniel Hanssens, à la fois à la mise en scène et sur le plateau, maîtrise de bout en bout ce thriller diablement ficelé. Sébastien Thiéry a, de fait, cousu un texte avec tous les fils d’un suspense trépidant, mais brodé de répliques drôles et piquantes. En un claquement de doigts, le spectateur passe ainsi du rire à l’effroi.
Si l’histoire tient si bien le public en haleine, c’est aussi parce que les quatre comédiens campent leur personnage à la perfection. Daniel Hanssens excelle en père de famille en chaise roulante, dévoré par l’angoisse et les soupçons. Face à lui, Clément Manuel est épatant en gendre dangereusement lunatique. Quant aux personnages mère – fille, leur flegme, qu’elles manient avec justesse, tranche avec l’omniprésente tension du récit.
C’est sûr, on sort décontenancé, même interpellé, de Ramsès II tant Sébastien Thiéry, à l’image des pyramides que les pharaons voulaient toujours plus grandes et plus hautes, a poussé son histoire aux extrêmes. Mais ce n’est que pour mieux nous remettre les pieds sur terre…
Au Centre culturel d’Uccle du 18 au 23/4