Un spectacle léger, drôle, sur le rapport à la norme et l’acceptation des différences
Faire tourner sa robe dans le vent, c’est chouette, c’est aérien, c’est gai, tout le monde vous le dira, ça donne le sentiment de s’envoler. Norman est un petit garçon de 7 ans tout à fait banal, mais Norman aime porter des robes. Un jour, il reçoit de ses parents l’autorisation d’aller en robe à l’école. Sur le chemin et à la récré, les moqueries fusent, on regarde Norman de travers. Son père décide alors d’accompagner son fils. Ils vivront ensemble une descente aux enfers. Mais si les autres savaient le bonheur que c’est de sentir l’effet du vent sur ses cuisses ! Formellement, les trajets de Norman vers l’école sont l’objet de variations chorégraphiques : depuis le plaisir innocent de faire tourner sa robe dans le vent, jusqu’au cauchemar qui mène aux grilles du portail d’école, derrière lesquelles les maîtresses seront devenues des monstres velues et menaçantes. A travers l’anecdote du vêtement, NORMAN questionne joyeusement le rapport à la norme, à l’acceptation des différences et à la fluidité des genres (et de leurs codes). Jamais didactique ni moralisateur, le spectacle est drôle et plein d’une énergie libératoire, mélangeant danse, traits d’esprit et histoire.
Représentations scolaires le lundi 12 décembre à 10h et à 13h30. Réservation au 02/374 64 84 ou via reservation@ccu.be
Laurence Bertels
Publié le 01-11-2022 à 13h15 – La Libre
Deborah Marchal, irrésistible et explosive
Douée d’un grand sens comique, Deborah Marchal est de toutes les scènes, en jeune public comme en théâtre adultes. Elle sera au Varia, à la Montagne magique et au Rideau avec “Norman”. Avant de partir en quête de “Lagneau”.
S’il est une comédienne à suivre de près, c’est l’irrésisistible Deborah Marchal, dont l’agenda se remplit de façon vertigineuse. Sous les feux de la rampe grâce à sa présence puissante dans Norman c’est comme normal, à une lettre près par la Kosmocompany, une mise en scène d’une fine intelligence de Clément Thirion sur la question du genre, elle a aussi emporté l’adhésion des festivaliers aux dernières Rencontres théâtre jeune public à Huy grâce à Lagneau d’Audrey Dero par Pudding ASBL et le 4 Haut théâtre. Dans ce seul en scène désopilant, la comédienne, douée d’un grand sens du comique, part à la conquête de L’agneau mystique qui a disparu du célèbre tableau de van Eyck.
Son approche physique et clownesque du théâtre de mouvement, tout en rigueur, respiration et comique de précision, contribue à faire de ce spectacle un véritable bijou qui tournera beaucoup au cours des deux prochaines saisons, tout comme l’incontournable Norman – nominé parmi les meilleurs spectacles jeune public aux Prix Maeterlinck de la critique décernés ce lundi soir -, qui sera à l’affiche de nombreux théâtres dès ce mois de novembre, du Varia à la Montagne magique en passant par Tournai ou Namur. Mais son actualité ne s’arrête pas là.
Deborah Marchal, qui a entre autres tourné pendant un mois avec Tiago Rodrigues, le nouveau directeur du Festival d’Avignon, joue également dans l’un des spectacles phares de cette saison, Hedda d’Aurore Fattier, qu’elle assiste, en outre, à la mise en scène.
D’où vient cette artiste peu connue encore voici quelques mois ? Pour le savoir, nous l’avons rencontrée… aux bien nommées Rencontres de Huy où elle nous a accordé, émue, sa toute première interview.
Vous voici soudain sur tous les fronts comme si les planètes s’alignaient pour vous. Quel a été votre parcours, jusqu’ici ?
Quand je suis sortie, voici six ans, du Conservatoire de Liège, je n’avais pas de proposition ni de projet. Étant diplômée en psychologie, je me suis lancée dans l’agrégation et, de fil en aiguille, j’ai poussé la porte du service pédagogique du Théâtre de Liège. En observation le matin, j’animais déjà un atelier l’après-midi. Parallèlement, je continuais à m’intéresser au théâtre et, dès ma première audition, pour Mouton noir, Clément Thirion m’a embarquée dans l’aventure. Ensuite, en 2018, j’ai posé ma candidature pour L’École des maîtres avec Tiago Rodrigues. J’ai eu l’énorme chance d’être retenue. Nous étions quatre Belges, quatre Italiens et Italiennes, quatre Portugais et Portugaises… C’était un projet incroyable. Tiago Rodrigues était alors directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne. Ma maman est portugaise. Pour moi, jouer en portugais relevait du rêve absolu. On a joué à Rome, à Coimbra, à Reims, à Caen et à la Cité Miroir à Liège.
Je suis ensuite revenue au service pédagogique, mais je ne voulais plus faire que de l’artistique. J’ai donc suivi un stage aux Rotondes à Luxembourg. L’atelier était mené par Johan De Smet du Kopergietery. J’ai travaillé avec lui pendant une semaine. C’est un être particulier et très intéressant. Un soir, alors qu’on était un peu éméchés – pourquoi le cacher ? -, il m’a confié être très ami avec Audrey Dero et m’a conseillé de la rencontrer. Selon lui, nos deux énergies réunies pouvaient s’avérer intéressantes.
Un conseil que vous avez suivi…
Oui, mais pas tout de suite. Un jour, j’étais en vacances au Portugal, dans la maison familiale, sans projet, sans contrat… J’ai envoyé un message à Johan qui a créé une réunion Facebook. Audrey et moi nous sommes alors donné rendez-vous au Belga à Flagey, en mode date artistique, ce qui est hyper rare dans ce métier. C’était une pure rencontre. On a parlé deux heures, on s’est raconté nos vies puis elle a évoqué un projet un peu flou autour de van Eyck…
C’était les prémisses de “Lagneau” ?
Exactement. C’était avant le Covid et on a tout de même pu jouer dans une septantaine d’écoles en Flandre. C’est une création dont j’aime la patte flamande…
Dans “Norman c’est comme normal, à une lettre près”, version jeune public de “Pink Boys and Old Ladies”, imaginé en 2015 et inspiré d’un fait divers berlinois, vous interprétez, entre autres, et avec une réelle présence, le rôle de la mère de ce jeune garçon qui rêve d’aller en jupe à l’école. En quoi est-il si important d’aborder la question transgenre auprès des enfants ?
Je pense que c’est une question primordiale. Le média théâtre est le meilleur pour aborder les questions de société. On vise les préadolescents, car ils sont encore ouverts à la possibilité d’autre chose. Après 13, 14 ou 15 ans, leur construction sociale est cadenassée et il y a un énorme travail de déconstruction à faire. Leur structuration dans l’espace social est déjà très ancrée. Or, un petit garçon en jupe, cela doit devenir banal. C’est tout l’intérêt de jouer pour les enfants.
Le spectacle reçoit un très bel accueil partout… Comment vivez-vous cette aventure ?
On le sent sur scène, puis au salut. Cela nous conforte dans l’idée que ce spectacle a une vraie utilité sociale. S’il est aussi bien reçu, je pense que c’est parce qu’il touche à des questions qui intéressent tout le monde à des degrés divers, via des personnages qui se positionnent de manière assez différente. Les spectateurs et spectatrices ont ainsi la possibilité de s’identifier à plusieurs discours selon ce qu’ils ou elles expérimentent dans leur propre vie. La réaction de Norman évolue aussi en fonction des événements, des moqueries et tout cela crée le débat. Je suis ultra-heureuse, au-delà de l’esthétique du spectacle – que je trouve très beau -, que l’histoire de Norman, de cette famille, de tous ces êtres autour de lui aille à la rencontre d’un maximum d’enfants.
Vous venez de jouer dans “Hedda – Variation contemporaine d’après l’Hedda Gabler d’Ibsen”, qui a ouvert la saison du Théâtre de Liège, du National, de Namur et qui se jouera à l’Odéon à Paris au printemps. Une nouvelle aventure…
Aurore Fattier nous immerge dans les derniers jours de répétition d’Hedda Gabler. Je joue dans le spectacle, en alternance avec Lara Ceulemans et je suis, comme elle, également assistante à la mise en scène. Je joue mon propre rôle.
Qu’a représenté pour vous ce travail d’assistanat à la mise en scène ?
Je ne suis pas metteuse en scène. J’assiste uniquement les projets que j’aime. J’ai rencontré Aurore Fattier en octobre dernier, dans le cadre de lectures de L’École des maîtres, au Théâtre de Liège. Elle m’a proposé de faire son assistanat avec Lara Ceulemans. Cette mise en abyme de notre travail m’a d’autant plus intéressée que j’allais aussi avoir à créer et à chercher avec le langage de plateau. C’est la première fois que je participe à une production aussi importante, avec dix interprètes sur le plateau, de nombreuses personnes à la création lumières, etc. Il s’agit d’une expérience très riche.
Quelques dates clés
Le Varia en famille. Norman c’est comme normal, à une lettre près se jouera du 8 au 12 novembre au Varia, avec des représentations familiales et scolaires. Il ne sera pas le seul spectacle familial proposé au Varia. Cette saison, le théâtre de la rue du Sceptre propose en effet cinq spectacles à découvrir à partir de 7, 9, 10 et 14 ans. Et ce, pas seulement en journée. Des représentations en soirée permettront aux plus jeunes de profiter également de l’expérience totale qu’est la sortie théâtrale à la tombée du jour. Outre Norman, signalons Géants des Karyatides, à l’affiche du 20 au 28 janvier 2023. Après Carmen, Madame Bovary, Les Misérables ou Frankenstein, quatre franches réussites, la compagnie spécialisée en théâtre d’objet propose un spectacle rabelaisien à souhait. À noter encore Foxes de la Cie Renards ou Beaux jeunes monstres du Collectif Wow ! du 14 au 18 février. Infos : www.varia.be
“Norman c’est comme normal, à une lettre près”, en tournée durant toute cette fin d’année, se jouera après le Varia à la Montagne magique du 16 au 19 novembre, au Théâtre de Liège du 22 au 24 novembre, puis au centre culturel d’Uccle, au Théâtre royal de Namur ou à Noël au Théâtre, en décembre. Entre autres dates belges et étrangères. Infos : www.bloomproject.be
“Lagneau”, quant à lui, se jouera notamment au printemps, du 4 au 6 avril, à La Maison qui chante, du 15 au 17 mai à la Montagne magique, du 15 au 20 juin à Ekla, à Strepy-Bracquegnies. Deborah Marchal interprète le rôle principal en alternance avec Audrey Dero.