Exceptionnellement des assiettes libanaises (composées de falafel, pâtes farcies aux épinards, pâtes farcies au fromage, pâtes farcies au thym, pan hommos, pan caviar d’aubergines, pan au fromage blanc) seront proposées en dégustation au prix de 10€ par assiette avant, à l’entracte et à l’issue du spectacle.
Jacques Weber en Roi Lear, remarquable souverain Shakespearien
Ici, un père maudit sa fille préférée. Ici, un autre veut la mort du fils qu’il devrait aimer – tandis que son autre fils complote contre lui et le livre à ses ennemis pour qu’ils lui arrachent les yeux. Georges Lavaudant a choisi Jacques Weber pour ce magnifique rôle. Il est remarquable, autant dans l’ivresse du pouvoir que dans la lucidité du désespoir. Le Roi Lear est la pièce de Shakespeare la plus emblématique de son « théâtre monde » et le rôle que rêvent d’interpréter tous les grands acteurs. Georges Lavaudant orchestre cette rencontre au sommet entre Lear et Jacques Weber qui campe un souverain à la hauteur de sa démesure. C’est une tempête sur une lande déserte. Et au cœur de ce maelstrom, il y a le fou royal : Lear lui-même, dépossédé peu à peu de tout, et par sa propre faute, jusqu’à en perdre la raison – et au-delà. Tout explose, rien ne fait plus sens. Fidélité, Amitié, Amour, Pitié. Monter Lear, ce n’est pas répondre à des questions, mais s’engager dans l’aventure qui consiste à se les poser. C’est essayer de rendre un peu d’éclat à ces questions, et à ces lumières d’humanité, en les rendant sensibles, visibles, incarnées.
Il était une fois un roi et ses trois filles. L’âge venant, il les convoque pour leur distribuer des parts de son royaume, mais une idée insensée lui traverse l’esprit ; la plus aimante sera la mieux servie. Les deux aînées se livrent à un panégyrique éhonté ; la troisième, sa préférée, refuse de se plier à une telle hypocrisie. Ce refus tranquille déclenche un séisme mortel. Le roi perd la tête et fait chavirer son royaume.
Le grand Jacques Weber incarne le Roi Lear. Celui qui incarne le théâtre à la française, Cyrano sur scène comme à la ville, trésor national du bien déclamé n’aspire qu’à s’étourdir hors des cadres qui l’enserrent. Il se livre un instant sur son rôle… Jouer le Roi Lear est, dit-on, le rôle que rêvent d’interpréter tous les grands acteurs. A 73 ans, Jacques Weber, vous endossez ce rôle pour la première fois.
« De vous à moi, quel acteur n’a jamais eu envie d’enfiler ce costume ? C’est un rôle monstre, l’un des plus beaux du répertoire, dont l’intensité monumentale vous traverse de part en part. Mais il semblerait qu’il y a une fenêtre de tir très étroite pour jouer le roi Lear. D’abord, il ne faut pas être trop jeune car ce qui est en jeu dans cette pièce d’une façon extrêmement forte, c’est l’âge, et on ne peut pas tricher avec ça. Ce côté « patriarche aux pieds d’argile » m’intéresse beaucoup aussi, et de toute façon, touche à nos sociétés, et de très près. Le patriarcat est en train de trembler sur ses bases, et c’est tant mieux. En même temps ce qui est vrai, c’est que cette évolution – pour ne pas dire révolution nécessaire – entraîne, à court terme, une sorte de chaos, et la pièce du Roi Lear nous met en prise directe avec ce chaos : celui d’un individu, le chaos d’une famille et le chaos de tout un monde.
La fenêtre est courte aussi pour le rôle, car si on est trop vieux, on n’a pas la force physique de le faire. Les scènes sont d’une telle intensité que Shakespeare, qui commençait à vieillir au moment de l’écriture de la pièce, a senti le vent venir: et c’est comme si il voulait aussi faire reposer l’acteur. Il y a des vraies plages de repos. Le problème, c’est qu’il y a une telle tension quand la folie gagne le Roi Lear, que chaque vers devient puissant. C’est là que peut surgir l’épuisement. Donc sans pour autant suivre une entraînement physique particulier, si ce n’est se reposer au maximum, reposer la voix, relire le texte tranquillement, je fais pas trop de folies en période de représentation ».
Vous, l’acteur de Molière, comment s’est passé votre rencontre avec Shakespeare ?
« Pour moi, le plus important quand on veut bien jouer un grand rôle c’est de ne pas le faire avec n’importe qui. Si c’est rencontrer Shakespeare avec un crétin, ce n’est pas intéressant. J’ai eu la chance de le rencontrer avec un homme absolument magnifique, délicieux et tendre, et un grand metteur en scène, c’est Georges Lavaudant. C’est essentiel car on est très dépendant d’une mise en scène. D’abord, c’est la troisième fois que Georges Lavaudant met en scène le Roi Lear, il a en donc une connaissance très profonde, ensuite son but n’est pas de répondre à des questions, mais de s’engager dans l’aventure qui consiste à se les poser. C’est essayer de rendre un peu d’éclat à ces questions, et à ces lumières d’humanité – la fidélité, l’amitié, la pitié, l’amour aussi – en les rendant sensibles, visibles, incarnées ».
Justement, Georges Lavaudant met très en avant le pouvoir évocateur des mots tirés de cette œuvre mythique et moderne à la fois. Jusqu’à quel point ?
« Jusqu’au bout. Et c’est ça qui est bouleversant, car vous n’imaginez pas à quel point presque chaque réplique du Roi Lear, écrit en 1606, fait mouche et ricochet à notre époque, à ce que nous traversons en ce moment, tant sur le plan social que politique. Au-delà, c’est tout le génie de Shakespeare que de nous rappeler d’abord notre condition de Terrien et ensuite la fragilité du pouvoir, sa folie et son ridicule dans sa nécessité d’ordonner un paraître qui n’a rien à voir avec la réalité. Tout cela étant joué en même temps par ce personnage du Roi Lear à la fois vieux, enfant, homme, fou…Le texte est le vrai personnage de la pièce, et l’acteur n’est finalement qu’un corps au service de l’une des plus belle œuvres de la littérature occidentale. Et c’est donc un rendez-vous d’une difficulté monumentale pour un acteur. Mais c’est si grand et tellement fort ! C’est l’Everest d’un alpiniste ».
Interview Françoise Laeckmann
Le Roi Lear, un classique en version minimaliste mais lumineuse
Isabelle Plumhans
« Lear est un objet magique de l’expérience de la folie, du désarroi, de la puissance de la démence. » C’est par ces mots que Tristan Bourbouze, directeur du Centre culturel d’Uccle (CCU), évoque la pièce qu’il accueille ces 9 et 10 décembre, dans les murs de l’institution bruxelloise qu’il pilote depuis 2019.
« Dans la première partie, c’est la reconstruction imaginaire de la déchéance, puis il y a quelque chose qui remonte. Et même si le propos est tragique, il y a de la lumière. Ce roi Lear n’est pas un personnage aimable. On peut même dire que c’est un salaud. Mais il traverse quelque chose qui le transforme, de l’ordre de l’épurement, dans sa façon de se rendre transparent à lui-même. Ce n’est pas si fréquent, en littérature, ce parcours », poursuit Tristan Bourbouze, déjà subjugué par ce texte lors de ses études de lettres, en France. Puis de pondérer : « C’est un texte compliqué, tumultueux, long. Difficile à monter : j’ai vu beaucoup de mises en scène du texte ennuyeuses.»
Lumière crue
Le Lear qu’il propose à Uccle est donc choisi avec soin. Il est mis en scène par Georges Lavaudant qui, pour la troisième fois, affronte ce texte dément et démentiel. Lavaudant est metteur en scène de théâtre autant que d’opéra, ce qu’on comprend immédiatement au travail des lumières ; elles cisaillent la scène, les personnages, les tableaux. Tout dans cette mise en place de la tragédie, hors sa peinture lumineuse, est laissé au jeu des acteurs. Et quels acteurs ! C’est d’ailleurs par eux (ou plutôt par l’« acteur ») qu’a été fasciné Tristan Bourbouze lorsqu’il a choisi de mettre ce classique à sa programmation. « J’ai rencontré Jacques Weber à l’occasion de la série En thérapie. Quel homme ! Quel comédien ! Incarner avec autant de beauté la fin d’un parcours qui se remet sur le tard en question… », s’enthousiasme-t-il. Car c’est de cela dont il est question dans Lear.
Perte et fracas
Petit rappel du pitch : Lear, roi vieillissant, veut partager son royaume en trois parts, pour ses trois filles. Pour savoir quelle part il donnera à laquelle d’entre elles, il demande à chacune de lui faire une déclaration d’amour filial. Sa préférée refuse. Toutes les trois mourront, Lear sombrera dans la folie. En marge, un autre père – ami de Lear – veut la mort du fils qu’il devrait aimer. Fidélité, amitié, amour, pitié, et tout le reste aussi : le théâtre-monde selon Shakespeare. C’est un peu court, certes, mais c’est globalement ça. Weber incarne donc le monarque absolu, dingue, fier. Lear. Il traverse la pièce comme un ténor, fou, fort et fragile. Mais, et la force de la pièce de Lavaudant est sans doute là – ou peut-être est-ce la force de l’acteur Weber ? –, les autres comédiens ne sont jamais évincés par lui. Au contraire, ils sont sublimes, eux aussi, de forces, contradictions et contrepoints.
On pourra s’attrister de la présentation d’une mise en scène très française, classieuse, lumineuse, propre, portée par des acteurs français, dans un paysage belge riche. Mais il faut convenir que ce théâtre est d’une force installée, et qu’il est parfois intéressant de regarder là pour nourrir son regard de spectateur.
Jacques Weber en Roi Lear, remarquable souverain Shakespearien…
29 min
| Publié le 09/12/22 |
Jacques Weber pour la pièce “Le Roi Lear” de William Shakespeare, dans une mise en scène de Georges Lavaudant, à voir ces 9 et 10 décembre à 19h00 au Centre culturel d’Uccle à Bruxelles. Ici, un père maudit sa fille préférée. Ici, un autre veut la mort du fils qu’il devrait aimer – tandis que son autre fils complote contre lui et le livre à ses ennemis pour qu’ils lui arrachent les yeux. Georges Lavaudant a choisi Jacques Weber pour ce magnifique rôle. Il est remarquable, autant dans l’ivresse du pouvoir que dans la lucidité du désespoir. Le Roi Lear est la pièce de Shakespeare la plus emblématique de son « théâtre monde » et le rôle que rêvent d’interpréter tous les grands acteurs. Georges Lavaudant orchestre cette rencontre au sommet entre Lear et Jacques Weber qui campe un souverain à la hauteur de sa démesure. C’est une tempête sur une lande déserte. Et au cœur de ce maelstrom, il y a le fou royal : Lear lui-même, dépossédé peu à peu de tout, et par sa propre faute, jusqu’à en perdre la raison – et au-delà. Tout explose, rien ne fait plus sens. Fidélité, Amitié, Amour, Pitié. Monter Lear, ce n’est pas répondre à des questions, mais s’engager dans l’aventure qui consiste à se les poser. C’est essayer de rendre un peu d’éclat à ces questions, et à ces lumières d’humanité, en les rendant sensibles, visibles, incarnées.
On sait bien peu de choses de l’énigmatique poète et dramaturge britannique né il y a 450 ans, et ce que l’on sait en fait un personnage d’autant plus intriguant. Ainsi, saviez-vous que …
1) Il y avait plusieurs Shakespeare sur les planches
Le petit frère de William Shakespeare, Edmund, était lui aussi comédien à Londres, même s’il n’a jamais vraiment connu le succès. Sa mort, à l’âge de 27 ans, fut suivie d’onéreuses funérailles à St. Saviour’s Church, ce qui indique qu’il y avait, dans son entourage, quelqu’un d’assez fortuné : son frère William.
2) William Shakespeare était un artiste aisé
Durant sa carrière – en tant qu’acteur, dramaturge et « actionnaire » de sa compagnie théâtrale – Shakespeare est parvenu à amasser une petite fortune. À l’âge de 33 ans, il a ainsi pu s’offrir New Place, la deuxième plus grosse bâtisse de Stratford-upon-Avon et il acquerra, par la suite, d’autres propriétés à Londres et à Stratford. À sa mort, il léguera à sa seconde fille, Judith – qui n’est même pas sa principale héritière – une somme équivalente à 60 000 €. En comparaison, le dramaturge contemporain de Shakespeare, Thomas Dekker, qui a accumulé les dettes sa vie durant, n’avait pas le moindre centime à léguer à sa mort en 1632.
3) Shakespeare était un coauteur
Du temps de William Shakespeare, les dramaturges travaillaient fréquemment à plusieurs. Une pièce pouvait ainsi être écrite par trois ou quatre écrivains différents. S’il semble que Shakespeare ait préféré travailler seul, les passages écrits par quelqu’un d’autre que lui abondent néanmoins dans son oeuvre. Il a ainsi, entre autres, travaillé avec Thomas Middleton sur Timon d’Athènes, et probablement sur Macbeth, et avec John Fletcher sur Henry VIII.
4) Les Britanniques sont les héritiers de Shakespeare
Le langage fleuri de Shakespeare a modelé une bonne partie de la langue anglaise. Considéré comme l’écrivain au vocabulaire le plus riche, il est à l’origine de mots (parfois inventés de toutes pièces) et d’expressions quotidiennement utilisés de nos jours chez les Anglo-Saxons. To caught a cold (attraper un froid), see better days (connaître des jours meilleurs) ou break the ice (briser la glace) sont quelques exemples de ces expressions léguées par le dramaturge.
5) Ses sonnets ne sont sans doute pas autobiographiques
La composition de sonnets était très en vogue à l’époque de Shakespeare, comme en témoignent les oeuvres de Sir Philip Sidney, d’Edmund Spenser et de nombreux autres poètes du XVIe siècle. Les sonnets constituaient une façon stylisée de démontrer ses talents d’écrivain et ne correspondaient pas forcément aux expériences vécues par l’auteur. Le plus probable est que Shakespeare ait laissé libre cours à son inspiration de dramaturge lors de la composition de ses sonnets.
6) La fille de Shakespeare était analphabète
Seuls deux des trois enfants du couple formé par William et Anne Shakespeare survécurent : Susanna et Judith. Si la première semble avoir été capable de signer de son nom, ce n’est pas le cas de la seconde. En ces temps, la littérature était en effet réservée à certaines professions, principalement masculines, pour lesquelles elle était indispensable.
7) Shakespeare ne se souciait pas de la postérité
Même s’il a pris soin de faire imprimer ses deux poèmes narratifs, Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce, car il s’agissait d’oeuvres prestigieuses dédiées à un mécène influent, c’est seulement sept ans après sa mort que ses collaborateurs réunirent et publièrent ses pièces. De son vivant, William Shakespeare semble, en effet, ne pas s’être soucié de la postérité, peut-être en raison du manque de reconnaissance des pièces de théâtre en littérature à l’époque.
8) William Shakespeare n’a pas eu de descendants
Son unique fils, Hamnet, mourut à l’âge de 11 ans, sa fille, Susanna, n’eut pas d’enfant et Judith perdit tous ses enfants en bas âge. Par ailleurs, aucun des trois autres frères Shakespeare ne se maria et 25 ans après la mort du poète, les Shakespeare avaient tous disparu.
9) Pendant deux cents ans, le théâtre a massacré les oeuvres de Shakespeare
Lors de leur réouverture après le Commonwealth, les théâtres ont pris l’habitude de faire ce qu’ils voulaient des pièces du dramaturge. Ils les tronquaient, les adaptaient aux comédies musicales ou aux pantomimes, et par-dessus tout, les dépouillaient de tout leur aspect « tragique » en leur greffant des happy ends.
10) Shakespeare avait de féroces opposants
Tout le monde ne s’accordait pas sur le génie de l’écrivain. C’est le cas de Voltaire, pour qui Hamlet, « pièce grossière et barbare » était l’oeuvre d’un « sauvage ivre », ou de l’Irlandais George Bernard Shaw qui confia « ce serait un véritablement soulagement pour moi si je pouvais le déterrer et lui jeter des pierres ».
Source: Le Vif