En 5 variations, 5 acrobates virtuoses font éclater une scène banale et dévoilent les désirs, souvenirs et fantasmes des personnages qui la composent. Rejouée, étirée, démultipliée, la scène ouvre des mondes imaginaires. Ralenti, rewind, stop-motion : comme dans un slapstick le quotidien part en vrille !
Chercher l’impossible, l’extraordinaire. Défier l’espace. Manipuler le temps. Comme dans un dessin animé, les personnages bravent les principes du monde physique. C’est le défi de ces acrobates qui jouent délicieusement avec le burlesque. L’équipe de Back Pocket part à la recherche de l’inaccessible et du prodigieux mais juste avec le corps : le corps acrobatique et rien d’autre ! Le corps seul, comme invitation à la liberté, à la poésie brute et à une virtuosité époustouflante. Pour que l’espace de jeu soit à la hauteur des artistes, se métamorphose et fasse aussi le beau, Goury, le scénographe/architecte de Yoann Bourgeois, a imaginé un escalier/pyramide où le mur devient sol ou plafond : la porte, trappe ou soupirail. À la clef: apparitions, disparitions, effets de surprise et d’agilité dans tous les sens !
On ne nous avait pas menti, La vrille du chat, produit par les Halles de Schaerbeek, répond aux espérances. A l’image du festival Hors Pistes, la dernière édition de haut vol de Anne Kumps. Les acrobates, belges et américains, ont fait Halle comble, ce week-end, tant les réseaux sociaux ont grésillé, vendredi soir, après la première bruxelloise et burlesque en diable du collectif Back Pocket.
Laurence Bertels – La libre 11 mars 2019
Interview du danseur-acrobate-circassien Aurélien Oudot qui, à l’aide de prodigieuses acrobaties maîtrisées, vient confirmer à quel point il faut compter avec l’Esac. L’École supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles forme des artistes de très haut niveau.
Aurélien, racontez-nous comment est né l’idée de ce spectacle-cirque « La Vrille du chat » ?
Avec mes 4 autres comparses de Back Pocket, tous formés à l’École du cirque de Bruxelles et de Montréal, nous nous sommes croisés au Cirque du Soleil et nous ne nous sommes plus quittés ! En imaginant et en créant « La Vrille du chat », on est arrivé à échapper à un cirque parfois trop démonstratif, trop formel, où les agrès limitaient notre imaginaire. En fait, depuis nos études de cirque, on avait envie de libérer nos corps des « machines », d’où l’idée d’utiliser dans ce spectacle le corps acrobatique et rien d’autre. Pas d’agrès, juste des accélérations, des slow et stop-motions, quelques notes de guitare et la même phrase corporelle qui se rejoue à l’infini dans un ballet hyper millimétré.
Pour y arriver, le corps dans sa capacité de déformation et de transformation, dans son désir d’échapper aux lois de la physique, nous a obligé à inventer sur scène une nouvelle liberté.
Place à l’imaginaire sans limites, alors ?
Totalement. Dans une ambiance à la « Un jour sans fin », le film d’Harrold Ramis avec Bill Muray, à la base de notre inspiration pour ce spectacle, teintée de Jacques Tati, bref, dans un schéma un brin surréaliste. Quelques notes de guitare où l’on croit même entendre au loin deux ou trois vers de Lorca…
Et comme dans le film, le principe du spectacle est très simple. Tout se développe à partir de la première scène qui dure quelques minutes, qui sera rejouée en marche arrière, ralenti, accéléré – comme dans un dessin animé. D’ailleurs, l’inspiration plus formelle nous est venue de la BD de Marc-Antoine Mathieu « 3 secondes », un incroyable album sans paroles, aux neuf cases carrées immuables par page, soit 603 images, en noir et blanc, qui demande de décrypter un instant qui ne dure que 3 secondes!
Ainsi, notre spectacle déconstruit la première scène en multipliant les points de vue des cinq protagonistes et en déplaçant les accents, comme dans la variation musicale qui l’accompagne, pour la reconstruire à la fin en rassemblant des parties des variations obtenues. De cette manière, le spectateur peut revivre la première scène à chaque fois d’un point de vue nouveau, différent, révélant ici l’humeur, là les rêves et projections, la petite musique psychique et mentale de chacun; mais qui révèle aussi les suites et causes potentielles de la scène initiale, tout ce qui pourrait ou aurait pu se passer… F.L.