Le témoignage puissant et sincère d’une jeune femme en route vers elle-même, entre fidélité et émancipation.
Au cinéma, chez Nabil Ben Yadir, on les appelle les Barons. Chez Yousra Dahry, on parle de Draris. Dans les deux cas, c’est l’histoire d’une quête pour trouver sa place dans le monde. Différence de taille: « Kheir Inch’Allah » adopte un point de vue théâtral et féminin. Née à Anderlecht, la jeune femme d’origine marocaine est enfant unique. Fille d’un père qui voulait un garçon, Yousra va se conformer au plan paternel : être plus forte qu’un garçon. Kheir Inch’Allah retrace le parcours d’une femme qui doit trouver sa place dans le monde, entre l’éducation de ses parents et l’école du drarisme, avec tout ce que cela implique dans sa féminité. Par son humanité, l’absence de manichéisme, son humour et l’intelligence des propos, le récit, porté par une artiste à l’énergie contagieuse, porte un regard inédit sur les questions de lien social, de conflits de classes et de tolérance.
Kheir Inch Allah, traduisez par “ça va aller” ou encore “ça va bien se passer”. Ce spectacle, c’est un seul en scène de Yousra Dahry, créé il y a maintenant quelques années mais qui continue de faire son petit bonhomme de chemin. Une bouffée d’air frais plein d’humour même si, on ne va pas ranger ce spectacle uniquement dans cette catégorie, ce serait trop réducteur.
Une jeune femme entourée de ‘drarés’, à la recherche de son chemin
Ce seul en scène raconte l’histoire de Yousra. Elle est fille unique, ce qui d’ailleurs vaudra à sa mère le surnom de “miskina”, entendez “pauvre femme”. Pourquoi une miskina ? Et bien car le couple n’a qu’un enfant, et par dessus le marché, une fille.
Son père, lui, rêvait d’avoir un fils. Il va d’ailleurs élever Yousra comme si c’était un garçon, ce qui amènera des moments assez cocasses.
Cette situation apportera également des moments douloureux. En effet, il est compliqué de se forger une identité en tant que femme dans ce contexte.
Impossible de parler de Yousra sans parler de ses drarés, ses frères de quartier.
Souvent enclins à des clichés, ici elle leur redonne toute leur amplitude et en rappelant qu’être un draré, c’est surtout un état d’esprit avec des codes et beaucoup de valeurs.
Cependant, il n’est pas toujours évident en tant que femme, de grandir auprès de ses drarés.
Plusieurs questions se posent : Quelle place peut-elle laisser à sa féminité ? Comment adhérer à cette pudeur, qui fait transformer toute émotion en éclat de rire quand on est hyper sensible ?
Comment trouver sa place en tant que femme au milieu des stéréotypes féminins auxquels on tente parfois d’adhérer mais dans lesquels on ne se retrouve jamais ?
A la sortie du spectacle, les réactions fusent: elle sont différentes mais aussi similaires. Que ce soit des quartiers populaires, de la bourgeoisie, des milieux ouvriers etc, une phrase revient souvent : vous avez raconté mon histoire.
Yousra nous confie sa surprise : “On est très différents les uns des autres alors qu’au final, on vit et on partage des émotions communes: la peur, la rage, la colère”. Elle nous confie également le but principal de ce seul en scène: ne pas trahir les gens de ces quartiers populaires à travers son récit. Pari gagné pour Yousra.
Une lettre d’amour sous forme de spectacle
Son spectacle, c’est une lettre d’amour à toutes les personnes qui l’ont entourée, une ode à l’amour des drarés dont elle fait partie. On se raconte, on se complimente et on se dit les choses qui vont un peu moins bien.
Le tout est raconté avec tendresse et sans égratignure gratuite sans épargner personne non plus, car elle rit d’elle la première !
Au final, si on devait raconter l’histoire de Yousra, on pourrait conclure en disant que c’est une jeune femme qui raconte son cheminement jusqu’à sa vie de jeune femme. Elle trouve sa voie en faisant des essais et des erreurs tout en se servant de sa force de caractère acquise au contact de ceux qu’elle aime dans sa famille de sang et de cœur.
Un vrai spectacle qui a valeur d’ouverture sur les autres, ouvert à tous !
A voir au CCU le 11 avril 2024 à 20h30.
Par Elisa Goffart via La Première