Old is gold

Perfect day

Theunissen est l’une des personnalités marquantes de nos scènes. Comédienne et metteuse en scène, elle a travaillé dans la plupart des théâtres de Belgique francophone, autant dans des textes classiques que contemporains. Aujourd’hui, elle est Marie Lecouturier, une femme de 64 ans qui se sent vieillir. Une interprétation magistrale et un rôle pour lequel cette reine des tréteaux a été couronnée en 2023 du prix Maeterlinck de la meilleure interprétation.

 

Marie, séparée, mère d’une fille amoureuse d’un « vieux beau » et fille d’une mère qui reconnaît à peine ses enfants, est le « nez » créateur pour une grande maison de parfums. Les fragrances, ça la connaît : les notes de tête comme le jasmin, la fleur d’oranger, des arômes plus sucrés comme la vanille ou des essences plus fortes comme le cèdre… Mais, vient aussi chatouiller nos narines, le bouquet corsé contenu dans le regard impitoyable que Marie pose sur son propre corps, le  comparant aux châteaux de la Loire, « qui laissent entrevoir le luxe d’antan, dont il reste quelques vestiges épars. C’est beau mais plein de poussière, il faudrait tout ravaler ». Mais aussi l’eau de toilette boisée d’Alexis, ce jeune homme avec qui elle collabore à un nouveau parfum et qui, en la draguant, vient troubler le statu quo sexuel dans lequel elle s’est condamnée…


Comme un parfum d’amour…
Écrit sans fard, et sur mesure, mais avec une infinie tendresse par Geneviève Damas pour Hélène Theunissen, Perfect Day (du nom de la célèbre chanson de Lou Reed) réussit une alliance subtile de notes, tantôt suaves, tantôt rêches, tantôt drôles, pour décrire le quotidien de cette sexagénaire ; le temps qui passe, le désir qui couve, les diktats absurdes d’une société qui glorifie l’âge chez l’homme mais en fait un impitoyable couperet chez la femme. Radieusement mis en scène par la trentenaire Lara Ceulemans, Perfect Day lève le voile sur une réalité rarement abordée au théâtre
(ou ailleurs) : le désir féminin après 60 ans.


« Le coup de coeur du public pour cette pièce, dans laquelle je n’ai pas l’impression de jouer, mais
plutôt d’être, a été immédiat, s’enthousiasme Hélène Theunissen. Sans doute parce que chacun
s’y reconnaîtra, quel que soit son âge… et son sexe ! Pendant une heure et demie, Marie parle de son mariage, son divorce, son rôle de mère qui ne finit jamais, sa vie amoureuse, sa vie sexuelle. Mais si un homme peut encore trouver facilement à refaire sa vie après 50 ans, il n’en va pas de même pour les femmes. Pas seulement à cause du regard des autres, à cause aussi de SON propre regard sur un corps qui n’a plus la fermeté de la jeunesse. C’est une période transitoire pendant laquelle on connaît beaucoup de changements de vie. On peut avoir l’impression que plus rien de beau ne peut nous arriver du côté affectif. La jeunesse semble avoir été érigée en porte-drapeau du plaisir, mais c’est un préjugé qu’il faut combattre ! »

 

La vieillesse serait un naufrage, dit-on. Dans Perfect Day, elle devient plutôt paysage. Un paysage qui, au soleil couchant, révèle d’autres couleurs, d’autres reliefs, d’autres possibles.
Perfect Day est une célébration de la vie. Un hymne à l’urgence d’aimer. Ça tombe bien : Aimer est l’anagramme de Marie.

 

Comédienne, metteur en scène, adaptatrice, Hélène Theunissen a, depuis plus de trente ans, joué
près d’une centaine de rôles dans la plupart des théâtres francophones de Belgique dont le Théâtre Varia, le Théatre National ou le Théâtre des Martyrs sous la direction de nombreux metteurs en scène belges dont, dernièrement, Marcel Delval, Philippe Sireuil, Frédéric Dussenne ou Pascal
Crochet. Elle a également joué au Théâtre de La Colline à Paris sous la direction de Jorge Lavelli ainsi qu’au Théâtre du Nord à Lille et au Théâtre de la Reine Blanche à Paris sous la direction de Stuart Seide. Hélène Theunissen est également metteure en scène. Entre autres mises en scène,
citons les Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac, La dispute de Marivaux, Le hasard au coin du feu de Crébillon Fils, Le chant du dire-dire de Daniel Danis, Le masque du dragon de Philippe Blasband et dernièrement Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare.

 

Hélène Theunissen a tourné dans plusieurs longs métrages et séries dont, récemment, La forêt
réalisée par Julius Berg et Unité 42 réalisée par Indra Siéra. Elle est aussi, depuis plus de 20 ans,
professeure d’Art dramatique au Conservatoire Royal de Bruxelles et elle est la représentante artistique du collectif Théâtre en Liberté en résidence.