Le Flamand aime jouer avec le hasard. Avec lui, l’impossible devient possible. Et troublant.
Las de tous ces mentalistes et hypnotiseurs qui prétendent hypnotiser les foules, Kurt Demey n’a pas eu besoin de buzz pour trouver son public. Depuis une vingtaine d’années, il fascine avec ses installations et ses étranges rituels poétiques. Nombreux sont ceux qui ont déjà succombé au charme singulier de celui qui aime “ flirter avec ce qui nous dépasse. ”
Qu’est-ce que la magie mentale exactement ?
Kurt Demey: Question essentielle ! Si on a envie d’assister à mes spectacles, on peut se dire en lisant la présentation mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? De la magie ? Du mentalisme ? Du théâtre ? Des prouesses de nouvelles technologies au service de l’illusionnisme ? C’est tout cela, et plus encore: c’est de la “ magie nouvelle ” un genre mariant la magie au sens traditionnel et d’autres formes d’art, ici le mentalisme.
Et en tant que mentaliste, j’utilise la magie comme un peintre utilise ses pinceaux, pour communiquer avec le public. Comme la magie traditionnelle, ce que je propose repose sur l’illusion, mais au lieu d’être visuelle, ma magie est mentale, elle se passe dans la tête.
Comment devient-on un magicien mentaliste ?
Kurt Demey: Je suis plasticien de formation, mais avant toute chose, il faut être un bon acteur. Ensuite, j’ai beaucoup appris dans les livres, mais aussi lors des congrès de mentalistes. Il existe aussi des associations spécialisées. Mais comme toutes les formes d’art, il faut pratiquer et se confronter au public, comme le ferait n’importe quel musicien ou comédien. Pour ma part, je n’ai jamais cherché la célébrité cathodique pour asseoir mon succès, comme de soi-disant fascinateurs, un peu gourous aux égos surdimensionnés, qui se prennent très au sérieux et prétendent manipuler le subconscient…
“ Je donne des missions aux spectateurs ”
Comment intégrez-vous le mentalisme dans votre spectacle ?
Kurt Demey: C’est très interactif. Je manipule les coïncidences jusqu’à ce que le public voie des liens partout. J’ai créé ce spectacle autour du sentiment magique qu’on a lorsqu’on cherche à donner une signification au hasard. Plus je multiplie les coïncidences et plus cela devient énervant, jusqu’au point où le public se dit: “ Mais ce n’est pas possible, ça ne peut pas être le fruit du hasard !” C’est une sorte de jeu de rôle entre moi et le public. Certains spectateurs viennent sur scène, et je demande carrément à d’autres de quitter leur siège et de sortir. Je leur donne des missions. Ils découvrent alors comment le hasard se produit et ils commencent à chercher des liens entre les choses…
Joris Vanvinckenroye, un contrebassiste, vous accompagne sur scène. Quel est son rôle ?
Kurt Demey: Joris Vanvinckenroye joue ses propres compositions post-rock, pour l’ambiance, mais c’est aussi un personnage à part entière. Il est un peu mon antithèse. Alors que je suis toujours dans la recherche et le hasard, il reste stoïque. Quand nous sommes tous surpris, pour lui, c’est évident !
Kurt Demey, êtes-vous toujours à la recherche de ce “ moment magique ” dont vous parlez souvent ?
Kurt Demey: Oui. Nous vivons des moments magiques que ce soit dans les films, les pièces de théâtre et dans la vraie vie. Ce sont généralement des moments poétiques que nous élevons presque au-dessus du réel. Sur scène, c’est ce moment où le spectateur oscille entre la poésie et la confrontation à ses limites de perception et de raisonnement, et c’est là où se trouve la magie.
Françoise Laeckmann